034…

Athénaïs était plus nerveuse depuis qu’elle se savait entourée de reptiliens, surtout qu’ils avaient tous la faculté de se déguiser en humains. Elle s’était fait à l’idée que Damalis était une créature différente et même fascinante, car il ne se comportait pas comme une bête. Au contraire, il était courtois et faisait preuve d’une grande délicatesse dans ses propos.

Même si elle ne voulait pas l’admettre, la femme médecin éprouvait de tendres sentiments pour lui.

La guérison du Naga tenait du miracle, mais peut-être était-ce normal dans son monde. Athénaïs ne se posait plus de questions. Elle était restée debout pendant de longues heures à tenter de comprendre comment il avait pu extraire lui-même les vis de ses genoux. Il lui avait juré n’en avoir rien fait et elle était tentée de le croire, puisqu’il n’y avait aucune incision dans sa peau. C’était finalement en visionnant l’ascension de Mithri qu’elle avait envisagé ce qui s’était probablement passé. Damalis avait recommencé à marcher seul après la visite de Mithri à l’infirmerie. Etait-ce un miracle ? Il y avait bien des choses que la médecine ne pouvait pas expliquer.

Il était impossible de faire tenir Damalis tranquille depuis que ses jambes étaient rétablies. Il s’était lié d’amitié avec Aodhan Loup Blanc, le nouveau directeur de la base de Montréal, et il passait beaucoup de temps en sa compagnie. Il aimait aussi analyser l’information que transmettait tous les écrans des Renseignements stratégiques et semblait mener à bien un projet personnel à l’aide d’un ordinateur qu’on lui avait prêté. La seule façon de le retracer dans la base, c’était bien souvent de passer par Cassiopée.

Athénaïs était dans son petit bureau en train de remplir son rapport sur la grossesse de l’ex-agente Chevalier lorsque Cassiopée jugea important de la déranger.

— DOCTEUR LAWSON, SANS VOULOIR COMMETTRE D’INDISCRETION, J’AIMERAIS VOUS AVERTIR QUE VOTRE PATIENT A DEMANDE LA PERMISSION À MONSIEUR LOUP BLANC DE QUITTER LA BASE.

— Quoi ? s’exclama Athénaïs, en colère. Où est ce reptilien irréfléchi ?

— AUX LABORATOIRES AVEC MONSIEUR MCLEOD.

— Merci, Cassiopée.

La femme médecin abandonna le rapport sur sa table de travail et fonça vers les Laboratoires, Damalis était en effet debout derrière l’informaticien et surveillait son travail à l’ordinateur. Ses cheveux, qui repoussaient sur son crâne, étaient blonds comme les blés.

— Monsieur Martell, j’aimerais vous parler en privé, laissa-t-elle tomber, faisant sursauter les deux hommes.

— Qu’est-ce que j’ai fait ?

Elle lui fit signe de la suivre, ce qu’il fit sans discuter. Lorsqu’il vit qu’elle le ramenait à la section médicale, il ralentit le pas.

— Je n’ai plus besoin d’examens, gémit-il.

Athénaïs fit volte-face comme s’il l’avait insultée.

— Vous êtes en train de préparer votre départ sans me consulter, lui reprocha-t-elle.

— Parce que vous m’avez affirmé que j’étais parfaitement remis…

— Je suis le médecin de cette base et c’est moi qui décide quand et comment mes patients peuvent mettre fin à leurs soins.

— Mais pourquoi êtes-vous si fâchée ?

— Parce que…

Elle s’étrangla dans ses sanglots. Il fit un pas vers elle, mais elle recula.

— Parce que nous sommes tous sur le point de mourir et que je ne veux pas que vous soyez loin de moi.

Elle tourna les talons et s’enfuit en courant jusqu’à l’infirmerie. Damalis ne comprenait pas ce qui se passait, mais Athénaïs s’était si bien occupée de lui qu’il se sentit obligé de lui rendre la pareille. Il la trouva debout, face à un coin de la salle des soins intensifs, le visage caché dans ses mains.

— Athénaïs, dites-moi ce qui ne va pas.

— Laissez-moi tranquille…

— Vous venez me chercher aux Laboratoires pour me parler et pendant que je vous suis, vous me dites de partir ?

La femme médecin se retourna brusquement, se jeta dans ses bras et l’embrassa. Damalis, qui ne s’était intéressé qu’à la guerre toute sa vie, ne sut pas quoi faire. Il resta là, les mains en l’air, comme un cambrioleur qu’on venait de surprendre. Puis, à son grand étonnement, elle le repoussa et courut s’enfermer dans son bureau.

— Athénaïs !

Il la poursuivit, mais trouva la porte verrouillée.

— Athénaïs, ouvrez-moi !

Il pouvait l’entendre pleurer à l’intérieur. Les Nagas ne craignaient pas la mort, mais les humains avaient apparemment une attitude différente.

— JE NE SUIS PAS UNE EXPERTE EN LA MATIERE, MONSIEUR MARTELL, MAIS VOUS N’AVEZ PAS ETE TRES HABILE AVEC ELLE.

— Savez-vous ce qu’elle a ?

— ELLE EST AMOUREUSE DE VOUS, C’EST EVIDENT.

— Evident ? répéta le Spartiate, dérouté.

— ET COMME ELLE EST TRES INTELLIGENTE, ELLE SAIT TRES BIEN QUE SI VOUS QUITTEZ LONGUEUIL, VOUS NE REVIENDREZ JAMAIS.

— Je ne lui ai même pas parlé de mes plans.

— IL SEMBLERAIT QUE LES FEMMES POSSEDENT UN SIXIEME SENS.

— Merci, Cassiopée. Cela m’éclaire beaucoup, enfin, je pense…

Il frappa quelques coups sur la porte, mais la femme médecin ne lui ouvrit pas. Il soupira et la pupille de ses yeux s’étira jusqu’à devenir verticale, puis il traversa le métal sans aucune difficulté. Athénaïs était assise, les bras croisés sur sa table de travail, le front appuyé sur un poignet et ses épaules tremblaient.

— Athénaïs, la dernière chose que je veux, c’est vous faire de la peine.

— Partez, si c’est ce que vous voulez ! Ça m’est égal !

Il s’accroupit près d’elle, mais ne la toucha pas.

— Écoutez-moi d’abord.

Elle tourna légèrement la tête pour le regarder, mais ne cessa pas pour autant de pleurer.

— J’éprouve aussi des sentiments pour vous, mais je ne suis pas humain. Pis encore, je suis un Naga qui s’est entraîné tout seul et qui représente une cible de choix pour des Dracos.

— Vous avez un cœur quand même… hoqueta-t-elle.

— Je pense que oui. J’ai vraiment su que j’étais capable d’aimer lorsque mes frères sont morts. Je ne veux pas vous faire de mal, Athénaïs. Vous méritez bien mieux que moi.

— Si vous ne m’aimez pas, alors disparaissez de ma vue.

— Est-ce vraiment ce que vous voulez ?

— Non… mais vous vous moquez de mes sentiments, comme tous les autres…

— Je n’ai pourtant rien fait pour vous donner cette impression ni pour entretenir de faux espoirs.

— Vous n’aviez rien à faire pour être merveilleux.

Il la cueillit dans ses bras et la serra contre sa poitrine, incapable d’arrêter ses larmes.

— Essayez de comprendre que j’ai un important compte à régler et que tant que ce ne sera pas fait, je ne pourrai jamais m’arrêter. Aodhan et moi avons réussi à retracer l’origine du message lancé par Perfidia et nous savons où elle se trouve.

— Laissez-moi y aller avec vous.

— Quoi ? Non !

— Ma vie n’aura plus aucun sens si vous partez, Damalis.

— Je suis certain que vous trouverez d’autres reptiliens à soigner.

— Ils ne seront pas comme vous.

— Je reviendrai peut-être en petits morceaux une deuxième fois.

— Vous êtes aussi stupide que tous les autres hommes ! Allez-vous-en !

Elle le repoussa violemment. « Si elle avait été une Naga, elle m’aurait fait passer au travers du mur », songea Damalis, surpris par sa force physique.

— Partez ! hurla-t-elle de tous ses poumons.

Vaincu, il recula et passa au travers de la porte. La tête basse, il retourna aux Laboratoires, où Vincent lui avait imprimé les coordonnées exactes de la station où se cachait Perfidia. Le savant remarqua aussitôt sa tristesse.

— Tu t’es fait sermonner, Damalis ?

— C’est plus compliqué que ça…

— LE DOCTEUR LAWSON VIENT DE LUI AVOUER SON AMOUR, MAIS IL PREFERE ALLER ABATTRE LA REINE DES DRACOS QUI L’ENVERRA FORT PROBABLEMENT DANS LA TOMBE.

— Cassiopée, on ne révèle pas ce genre de secret à tout le monde, lui reprocha Vincent.

— Elle a raison, par contre. Il y a une rage en moi que je dois calmer une bonne fois pour toutes.

— NOUS AVONS DES INSTALLATIONS SPORTIVES OU VOUS POURRIEZ VOUS DEFOULER.

— Cassiopée, un mot de plus et je débranche certains de tes modules.

L’ordinateur se tut.

— As-tu déjà été amoureux ? demanda Vincent au Spartiate.

— J’ai passé mon temps à préparer et à exécuter des missions périlleuses pour des gouvernements que je ne nommerai pas. Il n’y a jamais eu de place pour l’amour dans ma vie.

— Moi, j’ai passé le mien derrière des ordinateurs à m’imaginer que c’était ça, la vie. Tout comme toi, je viens à peine de trouver quelqu’un qui se soucie de moi et qui me comble de bonheur, et je te jure que ça vaut tout l’or du monde.

Damalis ramassa les papiers que lui avait préparés Vincent et alla s’asseoir plus loin pour les étudier, mais devant les mots et les nombres apparaissait constamment le visage en larmes d’Athénaïs Lawson. Il estima le temps qu’il mettrait pour se rendre dans le Grand Nord. Si l’ANGE n’arrivait pas à faire dévier la trajectoire de l’astéroïde, il serait tué avant d’avoir atteint le repaire de Perfidia. Il mourrait sans même avoir pu accomplir sa mission.

Il quitta les Laboratoires en triturant les feuilles entre ses doigts. Tandis qu’il déambulait dans le long corridor, il assista à un débat entre son cœur et sa raison. Que lui auraient conseillé ses frères ? Il prit une profonde inspiration et fit irruption dans l’infirmerie. Athénaïs ne pleurait plus. Elle était debout devant la longue table et nettoyait ses instruments de chirurgie. Elle regarda qui venait d’entrer et poursuivit son travail.

— J’ai mis vos affaires dans un sac.

Damalis déposa ses papiers sur son lit, marcha jusqu’à la femme médecin, la fit pivoter vers lui et l’embrassa. Athénaïs commença par résister, puis quand elle comprit que ses baisers étaient tendres et non contraints, elle s’y abandonna complètement.

— Les portes de la section médicale se verrouillent-elles ? Chuchota-t-il.

— C’est illégal, mais oui…

— JE M’EN OCCUPE !

Athénaïs plaqua ses lèvres sur celles du Naga pour l’empêcher de répliquer.

 

Absinthium
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